Comment les aérosols atmosphériques modifient-ils le climat ?

Les aérosols liés aux activités humaines sont responsables d’un refroidissement du climat qui a partiellement masqué le réchauffement dû à l’augmentation des gaz à effet de serre  d’origine anthropique.

Les aérosols atmosphériques sont de petites particules en suspension dans l’atmosphère dont la durée de vie est de l’ordre de 1 à 2 semaines dans la troposphère (la partie basse de l’atmosphère) et de 1 à 2 ans dans la stratosphère (la partie haute de l’atmosphère). Il existe de nombreux types d’aérosols. Certains sont d’origine naturelle comme :

  • les sels marins,
  • les poussières désertiques,
  • ou des composés chimiques émis par la biosphère (aérosols biogéniques).

D’autres aérosols sont aussi d’origine anthropique, par exemple :

  • les sulfates,
  • les suies,
  • les nitrates,
  • ou les aérosols provenant des feux de végétation allumés par l’homme.

Les aérosols atmosphériques présentent des variations importantes de concentration, de taille (de quelques nanomètres à plusieurs micromètres), de composition chimique et de forme. Les recherches montrent que le climat de la Terre peut changer en raison des aérosols anthropiques ou de changements dans les aérosols naturels qui, eux-mêmes, répondent au changement climatique. Par exemple, on sait que la disparition de végétation liée à une diminution des précipitations et l’abaissement du niveau de la mer, pendant les périodes glaciaires, ont induit une augmentation considérable des poussières désertiques dans certaines régions.

Les aérosols diffusent et absorbent le rayonnement solaire

Les aérosols modifient le climat de plusieurs manières. Tout d’abord, ils diffusent et absorbent le rayonnement solaire, ce qui modifie le bilan radiatif de la planète. Cet effet est connu sous le nom d’effet direct des aérosols et se produit principalement en l’absence de nuages. La diffusion par les aérosols dévie le rayonnement solaire dans toutes les directions. Une partie de ce rayonnement est renvoyée vers le haut, ce qui rend la planète plus réfléchissante vue de l’espace et entraîne un refroidissement du climat. En revanche, l’absorption du rayonnement solaire par les aérosols rend la planète plus sombre et conduit donc à un réchauffement du climat.
Tous les aérosols diffusent et absorbent à la fois le rayonnement solaire mais dans des proportions qui varient beaucoup. Les aérosols de sulfates, qui se forment suite aux émissions de soufre engendrées par la combustion de charbon et de pétrole, sont particulièrement diffusants, alors que les suies, qui proviennent des combustions incomplètes, sont très absorbantes.

L’effet direct des aérosols sur le climat (animation)

Source : Olivier Boucher – Marc Jamous (graphisme)

Les aérosols dévient le rayonnement solaire dans toutes les directions et en renvoient une partie vers l’espace. Ce phénomène modifie le bilan radiatif de la Terre et contribue à refroidir le climat. Les aérosols absorbent aussi le rayonnement solaire : cela chauffe l’atmosphère et contribue à réchauffer le climat. L’effet direct des aérosols se matérialise principalement en ciel clair et il tend, en général, à refroidir le climat.

Qui du refroidissement ou du réchauffement l’emporte dépend des propriétés optiques de l’aérosol et des conditions environnantes. De nombreuses observations et des études de modélisation permettent de quantifier l’effet direct des aérosols naturels et anthropiques. Même si des incertitudes subsistent, on pense que les aérosols anthropiques ont contribué à refroidir le climat par leur effet direct depuis le début de l’ère industrielle

Forster, P. M. de F. et al., “Changes in atmospheric constituents and in radiative forcing”, dans : Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change, Cambridge University Press, p. 129-234, 2007.

. Une des zones d’ombre qui demeure concerne la répartition verticale des aérosols absorbants, qui est difficile à mesurer, et qui induit une réponse spécifique de la couverture nuageuse. L’effet des aérosols absorbants sur les nuages est parfois appelé effet semi-direct.

L’effet semi-direct des aérosols sur les nuages (animation)

Source : Olivier Boucher – Marc Jamous (graphisme)

L’absorption du rayonnement solaire modifie la structure de l’atmosphère, ce qui peut favoriser certains types de nuages bas ou, au contraire, en faire disparaître d’autres, par évaporation, quand l’aérosol chauffe le nuage lui-même. C’est l’effet semi-direct.

Comme les aérosols sont distribués de manière très inhomogène dans l’atmosphère, en raison de leur courte durée de vie, ils peuvent refroidir le climat à certains endroits, le réchauffer à d’autres et induire des modifications subtiles des courants atmosphériques et des précipitations. Ces effets sont difficiles à observer et à modéliser, compte-tenu de la grande variabilité du climat, mais plusieurs études prédisent, par exemple, des modifications du positionnement et de l’intensité des moussons dues aux aérosols anthropiques

Randles, C. A. et V. Ramaswamy, 2008 : Absorbing aerosols over Asia: A Geophysical Fluid Dynamics Laboratory general circulation model sensitivity study of model response to aerosol optical depth and aerosol absorption, Journal of Geophysical Research, 113, D21203.

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Les effets indirects des aérosols sur les nuages

Les aérosols peuvent aussi servir de noyaux de condensation ou de glaciation pour la formation de gouttelettes d’eau nuageuse et de cristaux de glace. Comme il existe toujours des noyaux de condensation dans l’atmosphère, la formation des nuages est avant tout contrôlée par des processus dynamiques mais les aérosols peuvent avoir un effet sur les propriétés microphysiques des nuages, comme le nombre et la taille des gouttelettes d’eau.
Des concentrations plus importantes en aérosols tendent à produire des nuages d’eau liquide avec des gouttelettes plus petites et plus nombreuses. Cet effet ainsi que d’autres plus compliqués, que l’on appelle collectivement les effets indirects des aérosols sur les nuages, modifient les propriétés des nuages et la quantité de rayonnement que ceux-ci renvoient vers l’espace. Les effets indirects modifient aussi les propriétés des nuages de glace et les nuages dits mixtes qui contiennent de l’eau à la fois sous forme liquide et de glace. Quantifier ces effets indirects est plus difficile que pour l’effet direct mais les études existantes suggèrent que les effets indirects contribuent aussi à refroidir le climat

Denman, K. L. et al., Couplings Between Changes in the Climate System and Biogeochemistry, dans : Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Solomon, S. et al. (éd.)]. Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA.

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Les effets indirects des aérosols sur les nuages (animation)

Source : Olivier Boucher – Marc Jamous (graphisme)

Les aérosols exercent une multitude d’effets indirects sur les nuages car ils constituent les noyaux sans lesquels les gouttelettes d’eau et les cristaux de glace ne pourraient se former. Des aérosols plus nombreux conduisent à des gouttelettes d’eau plus nombreuses et plus petites, ce qui augmente le pouvoir réfléchissant du nuage. Mais cela modifie aussi la dynamique interne du nuage, son extension verticale, sa durée de vie, les changements entre la phase liquide et la phase glace, ainsi que la formation des pluies. Ces effets sont appelés collectivement les effets indirects des aérosols sur les nuages.

Les effets indirects des aérosols sur les nuages (animation)

Source : Olivier Boucher – Marc Jamous (graphisme)

Les variations historiques des aérosols

En raison de leur courte durée de vie, les aérosols ont des concentrations et des effets climatiques qui varient de concert avec leurs émissions. Ces dernières ont fortement augmenté depuis le début de l’ère industrielle

Par exemple, les émissions d’aérosols soufrés ont été multipliées par quatre depuis le début de l’ère industrielle.

si bien que les aérosols ont masqué une partie du réchauffement climatique causé par les gaz à effet de serre anthropiques et dont on trouve la signature dans les observations. Les éruptions volcaniques peuvent aussi injecter des aérosols dans la stratosphère et induire des refroidissements sporadiques comme ceux qui ont suivi les éruptions d’El Chichón (Mexique, 1982) et du Pinatubo (Philippines, 1991).

Les émissions en aérosols ont subi des variations contrastées selon les régions sur les deux dernières décennies : diminution dans les pays industrialisés, en raison des politiques d’amélioration de la qualité de l’air, et augmentation dans les pays en voie de développement. Par conséquent, il est difficile de savoir si les aérosols ont contribué à réchauffer ou à refroidir le climat récemment. Il est probable que les émissions anthropiques d’aérosols vont, au bout du compte, diminuer à l’échelle globale. On pourra alors s’attendre à un réchauffement qui s’accélérera.

Les aérosols naturels peuvent-ils changer ?

Le changement climatique peut venir interférer avec le cycle atmosphérique des aérosols naturels comme les poussières minérales, les sels marins ou les aérosols biogéniques. Même si elles ne s’accordent pas entre elles, les études existantes tendent plutôt à montrer que ces effets n’induiraient pas une rétroaction climatique importante sur le prochain siècle

Carslaw, K. et al., 2010 : Aerosol in the Earth System: A review of processes and feedbacks, Atmospheric Chemistry and Physics, 10, 1701-1737.

. À long terme, l’amplitude du changement climatique dépendra donc essentiellement des émissions de gaz à effet de serre et de la sensibilité du climat à cette perturbation.