Comment mettre l’atmosphère dans des petits cubes ?

Les lois de la physique gouvernant l’atmosphère sont connues depuis longtemps (découvertes de Pascal, Newton…), mais il est impossible de les résoudre de façon exacte. Il faut attendre l’arrivée des ordinateurs, après la deuxième guerre mondiale, pour les calculer numériquement l’état de l’atmosphère et passer d’une approche plutôt descriptive à une approche plus prédictive.

Pour résoudre numériquement les équations décrivant l’état de l’atmosphère, il faut diviser le milieu continu qu’est l’atmosphère en un grand nombre de petits volumes dans lesquels les variables caractéristiques (vent, température, humidité…) interagissent entre elles suivant les lois physiques qui les gouvernent. Le découpage volumique, ou maillage, se fait à la fois sur la verticale (découpage en tranches entre le sol et une altitude d’environ 30 km) et sur l’horizontale. Le problème est délicat car il n’existe pas de méthode satisfaisante pour « peigner » une sphère. Par exemple, le découpage selon les latitudes et longitudes nécessite des traitements particuliers aux pôles où les mailles deviennent très déformées. Ce problème est évité pour les modèles passant dans une base finie de fonctions continues sur la sphère (méthode dite spectrale), mais d’autres inconvénients subsistent alors. La résolution numérique nécessite aussi un découpage en temps de l’évolution des variables qui est calculée de manière discrète (par exemple toutes les 30 mn).

Une fois le problème ramené à une suite finie d’opérations, l’ordinateur calcule l’évolution des variables climatiques d’un petit volume (maille typiquement de l’ordre de 200 km x 200 km x 1 km pour un modèle climatique) d’un pas de temps à l’autre.

Dans un modèle numérique comme dans la réalité, deux types de processus font évoluer les paramètres atmosphériques : des processus dynamiques  par lesquels les variables sont transportées dans l’espace au gré des vents (équations de Navier Stokes) et des processus physiques tels que le chauffage de l’atmosphère par le rayonnement solaire et le rayonnement infrarouge réémis par la Terre, les répartitions respectives des rayonnements qui en résultent mettant en mouvement l’atmosphère. Enfin, les processus qui agissent sur l’atmosphère à des échelles plus petite que celle des volumes du maillage (tourbillons, nuages

Même si les nuages ne peuvent pas être représentés individuellement car ils sont souvent plus petits que le maillage, la représentation de leur comportement collectif au travers de paramétrisations est au contraire un point clé de la modélisation du climat.

, orages…) sont représentés, au travers de « paramétrisations » et peuvent avoir un effet à plus grande échelle. Ces paramétrisations, basées sur des lois physiques, s’appuient sur de nombreuses mesures de terrain ou sur des modélisations plus fines d’un processus particulier, leur conférant ainsi un caractère empirique.

Deux modèles français, qui diffèrent par leur physique et leur maillage, participent aux grands exercices coordonnés de simulation des climats passés et de projections climatiques. Le modèle CNRMCM5

Le modèle CNRM-CM5 est développé par le Centre national de recherches météorologiques (CNRM) et le Centre européen de recherche et de formation avancée en calcul scientifique (Cerfacs)

est très proche de celui utilisé en météorologie par Météo-France. En mode climatique, le modèle simule des centaines d’années et on cherche à reproduire les climats moyens et la statistique des entités météorologiques (tempêtes, vagues de chaleur…), alors qu’en prévision du temps, on cherche à prévoir la séquence temporelle de ces entités sur une dizaine de jours d’échéance. Le modèle de l’IPSL, pour sa part, est décliné aussi dans des versions adaptées à d’autres planètes du système solaire. Le fait que les mêmes modèles soient capables de simuler à la fois la météo sur Terre et des climats aussi extrêmes que le désert glacé de Mars ou la fournaise vénusienne associée à de très fortes concentrations de CO2, est un élément important de la confiance dans la pertinence de la physique représentée dans ces modèles, et dans les résultats des projections climatiques futures.