Le niveau des océans s’élève-t-il ?

Autres réponses de : Anny Cazenave et Catherine Ritz

Le niveau des mers s’était stabilisé il y a environ 3 000 ans, à la fin de la déglaciation associée à la dernière période glaciaire. Les observations des marégraphes, disponibles depuis 150 ans, indiquent que la mer a recommencé à monter au cours du xxe siècle. Pour les deux dernières décennies, nous disposons également des observations des satellites altimétriques

Fu, L., et A. Cazenave, Satellite Altimetry and Earth Sciences: A handbook of techniques and applications, Academic Press, 2001

franco-américains Topex/Poseidon, Jason-1 et Jason-2, développés par le Centre national d’études spatiales (Cnes) et la NASA, depuis 1992. Ces observations satellitaires ont l’avantage d’être globales et uniformément réparties sur l’ensemble des océans, au contraire du réseau marégraphique. Depuis 1992, elles montrent que la vitesse d’élévation des mers a presque doublé par rapport aux décennies précédentes. Cette élévation atteint aujourd’hui 3,2 millimètres par an, en moyenne

Meyssignac, B. et A. Cazenave, 2012 : Sea level: A review of present-day and recent-past changes and variability. Journal of Geodynamics, 58(0), 96-109.

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Courbes du niveau global de la mer

D’après Meyssignac, B. et A. Cazenave, 2012 : Sea level: A review of present-day and recent-past changes and variability. Journal of Geodynamics, 58(0), 96-109 ; et Church, J. A., J. M. Gregory, N. J. White, S. M. Platten, et J. X. Mitrovica, 2011 : Understanding and projecting sea level change. Oceanography, 24(2), 130-143.

La courbe noire a été reconstruite par Church et al. (2011) à partir des marégraphes. La région grisée indique la barre d’erreur de cette courbe.
Dans l’encart, la courbe rouge donne le niveau global de la mer, calculé à partir des données altimétriques de 1993 à 2011. Cette courbe est une moyenne à 3 mois des données altimétriques. (Ces données proviennent du site AVISO)

Tout suggère que la hausse actuelle du niveau moyen global de la mer est liée au réchauffement climatique affectant la planète depuis quelques décennies car cette élévation est causée par la dilatation thermique

Une eau chaude est plus volumineuse qu’une eau froide.

de l’océan et par la fonte des glaces continentales.

Les causes de l’élévation du niveau des mers

Au cours de la deuxième moitié du xxe siècle, l’océan s’est beaucoup réchauffé. Il stocke actuellement plus de 90 % de l’excès de chaleur accumulée dans le système climatique au cours des 50 dernières années. Causée par l’augmentation de la température de la mer, la dilatation thermique des océans explique une partie de la hausse observée du niveau marin.
Depuis quelques années, on assiste à un déclin important des glaces continentales. Les glaciers de montagnes fondent et les glaciers périphériques du Groenland et de l’Antarctique de l’ouest s’écoulent dans l’océan à une vitesse

Steffen, K., R. H. Thomas, E. Rignot, J. G. Cogley, M. B. Dyurgerov, S. C. B. Raper, P. Huybrechts et E. Hanna, 2010 : Cryospheric contributions to sea-level rise and variability, dans : Understanding sea-level rise and variability, J. A. Church, P. L. Woodworth, T. Aarup et W. S. Wilson (éd.), Wiley-Blackwell, p. 177-225.

accélérée. C’est l’autre grande cause de l’élévation actuelle du niveau de la mer.
Pour les deux dernières décennies, la dilatation thermique de l’océan, la fonte des glaciers de montagne et la perte de masse des calottes polaires contribuent, chacune, pour environ un tiers, à la hausse observée du niveau de la mer.

Grâce à leur couverture complète du domaine océanique, les satellites altimétriques nous ont aussi révélé que la hausse du niveau de la mer est loin d’être uniforme. Dans le Pacifique ouest, par exemple, la mer s’est élevée 2 à 3 fois plus vite qu’en moyenne depuis 20 ans. Nous savons aujourd’hui que cette importante variabilité régionale est causée par la répartition non uniforme de la chaleur dans l’océan. Résultat : la mer monte plus vite dans certaines régions que dans d’autres.

Vitesses d’augmentation du niveau de la mer calculées à partir des données altimétriques, sur la période 1993-2011

Source : Meyssignac, B. et A. Cazenave, 2012 : Sea level: A review of present-day and recent-past changes and variability. Journal of Geodynamics, 58(0), 96-109.

Tendances du niveau de la mer entre janvier 1993 et décembre 2011, calculées à partir des données des satellites Topex, Jason1-2, ERS 1-2 et Envisat. La moyenne globale de ces tendances s’élève à 3,2 mm/an.

Estimations du niveau des mers pour le XXIe siècle

La hausse du niveau de la mer constitue une menace sérieuse pour de nombreuses régions côtières basses, souvent très peuplées, de la planète. On s’attend à une hausse accrue du niveau de la mer au cours du xxie siècle à cause de la dilatation thermique de l’océan, qui se poursuivra, et, surtout, à cause de la fonte des glaces continentales. Si la calotte polaire du Groenland venait à disparaître, le niveau de la mer s’élèverait de 7 mètres ! Un tel événement, s’il se produisait, prendrait cependant plusieurs siècles, voire plusieurs millénaires.

On ne sait pas encore avec précision quelle sera la contribution des calottes polaires au niveau de la mer au cours des prochaines décennies. Mais certaines estimations récentes

Church, J. A., J. M. Gregory, N. J. White, S. M. Platten et J. X. Mitrovica, 2011 : Understanding and projecting sea level change. Oceanography, 24(2), 130-143.

de l’ensemble des contributions climatiques à la hausse du niveau marin (dilatation thermique et fonte des glaces continentales) suggèrent qu’une hausse moyenne de la mer de l’ordre de 50 cm à 1 m n’est pas à exclure à l’horizon 2100, avec de fortes variations d’une région à l’autre.

Dans nombre de régions côtières basses de la planète, la hausse du niveau de la mer se conjugue avec d’autres facteurs non climatiques, ce qui rend ces littoraux encore plus vulnérables. Parmi ces facteurs, nous pouvons citer l’enfoncement du sol lié à des phénomènes naturels (par exemple, la surcharge des sédiments accumulés dans les deltas des grands fleuves) ou à des activités humaines (le pompage des eaux souterraines ou du pétrole). D’autres facteurs contribuent également à modifier la morphologie de la côte : la diminution des apports sédimentaires à la mer par les fleuves (causée par la construction de barrages), l’urbanisation intensive du littoral, les variations des courants côtiers, etc.

Pour de nombreuses régions du monde (y compris la France et ses départements et territoires d’outre-mer), la contribution respective de ces différents facteurs à l’érosion du littoral est encore incertaine. En réponse aux forçages anthropique et climatique, des modèles d’évolution et de vulnérabilité des zones côtières sont des outils d’aide à la décision devenus indispensables pour les responsables politiques en charge de l’aménagement du territoire.