Peut-on prévoir le climat alors qu’on ne sait pas prévoir la météo au-delà de quelques jours ?

La réponse de

Auteur Olivier Talagrand

Olivier Talagrand

Olivier Talagrand est directeur de recherche émérite CNRS au Laboratoire de Météorologie Dynamique. Il a développé et utilisé les méthodes de modélisation numérique de l'atmosphère de la Terre et des autres planètes. Entre autres responsabilités, il a  été Président du Comité Scientifique Consultatif du Centre Européen pour les Prévisions Météorologiques à Moyen Terme (Reading, GB). Il a reçu la Médaille d’Argent 2004 du CNRS pour le Département des Sciences de l’Univers et la Médaille Lewis Fry Richardson 2014 de l'European Geophysical Union, en reconnaissance de sa contribution exceptionnelle aux géosciences non linéaires.

Centre national de la recherche scientifique
Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat
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Oui, on peut prévoir le climat alors même qu’on ne sait pas prévoir la météo au-delà de quelques jours. La meilleure preuve en est que l’on peut prévoir les saisons. On ne peut certes pas prévoir quel temps il fera à Paris le 15 janvier ou le 15 juillet de l’an 2050, mais on peut prévoir qu’en 2050 le mois de janvier sera en moyenne plus frais à Paris que le mois de juillet. Les saisons sont réglées par les variations de la distribution latitudinale de l’ensoleillement. Le climat est fondamentalement déterminé par le flux d’énergie venant du Soleil, les flux d’énergie internes à l’atmosphère et aux océans, et le flux d’énergie émis par la planète vers le milieu extérieur. Si on connaît ces flux, on peut prévoir le climat. La météorologie est, elle, déterminée par les variations de l’écoulement atmosphérique au jour le jour.

Un exemple approprié est fourni par un phénomène aussi banal que l’ébullition d’une casserole d’eau. L’ébullition se manifeste par la formation de bulles qui se forment, grossissent et explosent, ainsi que par des volutes de ‘vapeur’ (en réalité de fines gouttelettes d’eau) qui s’élèvent et tourbillonnent, tout cela de façon tout à fait désordonnée. Il est impossible de prévoir ces mouvements désordonnés au-delà de quelques secondes. Et ils sont impossibles à reproduire expérimentalement. Deux expériences successives, même effectuées avec le plus grand soin (même quantité d’eau à la même température initiale, même récipient, même salle, à la même température et ventilée de la même façon, même chauffage, …) ne produiront pas les mêmes bulles et volutes.

Le taux d’évaporation de l’eau est, par contre, lui, parfaitement prévisible, et il est facile, avec un peu d’expérience, de prévoir à quelle vitesse l’eau de la casserole se vaporisera.
Dans cet exemple, les bulles et les volutes sont la météorologie, tandis que le taux d’évaporation est le climat. Les premières ne sont prévisibles qu’à échéance de quelques secondes, le second est prévisible, et peut même être dans ce cas contrôlé à volonté.

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