Quelle est la différence entre météorologie et climatologie ?

Les mots « météorologie » (ou « météo »), « climat » et « climatologie » ont pour le non-spécialiste des définitions courantes qui sont plus restrictives que les définitions des scientifiques

Ce texte a été publié sur le site web du Club des Argonautes

. Ce sont généralement ces définitions courantes qui apparaissent en premier dans les dictionnaires et les encyclopédies. Les définitions scientifiques sont plus larges car l’étude des phénomènes atmosphériques amène à s’intéresser à beaucoup d’autres milieux que l’atmosphère.

« Météorologie » au sens le plus courant

« La météorologie est l’étude des phénomènes atmosphériques et de leurs lois, notamment en vue de la prévision du temps » (Petit Larousse). Un dictionnaire équivalent, en langue anglaise, donne une définition très proche : « Meteorology: science of the weather; study of the earth’s atmosphere and its change. » Comme indiqué dans le Dictionnaire culturel des sciences (éditions du Seuil), l’acception commune tend à confondre la météo avec la prévision du temps, plus spécialement du « temps sensible » qui gouverne nos impressions humaines. C’est une définition qui ne sort du milieu atmosphérique que pour étudier ses conséquences humaines les plus directes (sols gelés, inondations, etc.).

« Météorologie » au sens le plus scientifique

« La météorologie est la science de l’atmosphère. » Cette définition, la plus concise, est donnée par l’Encyclopedia Universalis qui ajoute : « Plus exactement, elle étudie les processus physiques qui en déterminent l’évolution et rend compte des phénomènes essentiellement observés dans sa partie la plus basse. »

L’atmosphère étant un système ouvert, la météorologie (science de l’atmosphère) doit s’intéresser aux nombreux phénomènes interactifs avec les milieux connexes à l’atmosphère : océan, cryosphère, biosphère, surfaces continentales, espace, etc. Pour étudier les processus physiques pertinents, la météorologie doit les analyser et les traiter à toutes les échelles de temps.

« Climat » et « climatologie » au sens le plus courant

Le mot « climat » vient du grec « klima » (inclinaison), en référence à l’inclinaison de l’axe de la Terre qui fait que le climat varie en fonction de la latitude.

« Le climat est l’ensemble des phénomènes météorologiques qui caractérise l’état moyen de l’atmosphère et son évolution eu un lieu donné » (Petit Larousse). Un dictionnaire équivalent, en langue anglaise, indique : « Climate: weather conditions of a place or an area » et « Climatology: science of climate ».

Au sens le plus restrictif, le climat est donc un sous-ensemble de la météorologie, dans lequel on ne retient que les caractéristiques moyennes (sur un mois, au moins), ou encore les grandes échelles temporelles (du mois jusqu’à plusieurs millions d’années). Ceci est exprimé dans le Dictionnaire culturel des sciences de la façon suivante (qui a l’inconvénient d’introduire une notion encore plus complexe, « l’effet papillon ») : « Le climat est ce qu’il reste du temps météorologique lorsqu’on le débarrasse de ses caprices que nul ne peut prévoir au-delà de l’horizon qu’assigne l’effet papillon ». Le terme de « climatologie » a eu longtemps pour les météorologistes un sens assez restrictif : l’établissement et l’étude de statistiques relatives aux éléments du climat.

« Climat » et « climatologie » au sens le plus scientifique

Mais, plus généralement, on entend par le mot « climatologie », « la science qui donne une description systématique et une explication de la répartition des climats » (Encyclopedia Universalis). On pourrait préciser que la climatologie cherche maintenant à expliquer non seulement la répartition géographique des climats, mais aussi leur évolution au fil des décennies et des siècles, surtout depuis qu’une évolution lente du climat de la planète (vers le réchauffement) est devenue évidente. Pour prendre en compte cette évolution lente, certains ont introduit la notion de « climatologie dynamique ». Quant à l’évolution du passé, elle a fait l’objet d’un énorme travail de reconstitution de la part des historiens, glaciologues, sédimentologistes, etc., travail documenté dans de nombreux ouvrages.

À l’échelle de la décennie ou du siècle, l’évolution de l’atmosphère est largement pilotée par celle des océans (gelés ou pas), des surfaces continentales (couvertes de glace ou pas) et de toute la biosphère. Elle dépend aussi, dans une plus faible mesure, de facteurs astronomiques tels que l’évolution du rayonnement solaire ou des caractéristiques géométriques de l’orbite terrestre. Pour étudier, comprendre et prévoir l’évolution du climat (souvent en s’aidant de la modélisation numérique), le scientifique est amené à traiter beaucoup de processus physiques extérieurs à l’atmosphère. Il s’agit de tous les processus qui affectent ce qu’on appelle « le système climatique » comme ceux, par exemple, qui affectent l’océan profond et l’hydrologie (lacs, fleuves, glaciers et réserves continentales d’eau profonde).

Pour le météorologiste chargé de la prévision du temps à quelques jours d’échéance, il n’est pas nécessaire de s’intéresser en détail à tous ces milieux connexes à l’atmosphère, vu qu’ils évoluent beaucoup plus lentement que l’atmosphère elle-même. On peut alors se contenter de modéliser très simplement ces milieux connexes. Ainsi, dans les modèles de prévision opérationnels, l’état de l’océan est-il supposé constant (y compris pour sa température de surface qui pilote directement l’échange d’énergie océan-atmosphère). Sur les continents, la plupart des variables sont aussi maintenues constantes dans un modèle de prévision (végétation, étendue des glaciers, état du sol, etc.), à l’exception notable de la température et de l’humidité des surfaces continentales qui peuvent présenter de fortes variations diurnes, ainsi que de l’épaisseur du manteau neigeux lorsqu’il recouvre le sol.

Ainsi l’ensemble des processus physiques qui intéresse le météorologiste est souvent plus restreint que celui qui intéresse le climatologiste. Le « système météorologique » (limité à la prévision du temps) peut donc être vu comme un sous-ensemble du « système climatique », contrairement à l’acception courante du mot « climat » qui peut être vu comme un sous-ensemble de la météorologie.

Dans le langage des mathématiciens et des modélisateurs

Pour les modélisateurs, les simulations de l’évolution du temps (ou des phénomènes météorologiques) se différencient des simulations de l’évolution du climat par le jeu des « conditions initiales » et des « conditions aux limites ». L’état de l’atmosphère, observée à un instant donné, sera pris comme l’état (ou conditions) initial(es) du système atmosphérique pour un modèle numérique qui calculera son évolution au cours du temps et fera ainsi une prévision météorologique. Notons que ces calculs s’appliquent à un système physique qui déborde un peu au-delà de l’atmosphère puisque un tel modèle « météorologique » doit obligatoirement simuler l’évolution de la température et de l’humidité des surfaces continentales qui, sur quelques heures ou quelques jours, sont des variables qui varient très vite (souvent plus vite que les températures atmosphériques elles-mêmes). On est là dans le domaine de la prévision du temps et de la météorologie. Le modèle devra cependant fixer l’état de la plupart des milieux extérieurs à l’atmosphère, comme l’océan et sa température de surface, la végétation, la composition des sols, etc., qui l’encadrent et conditionnent son état moyen. Ce sont les « conditions aux limites » du système météorologique. Dans une simulation du seul système météorologique, les « conditions aux limites » sont invariantes et fixées.

On sait que la prévision météorologique n’a plus de sens au bout d’une dizaine de jours car l’atmosphère, système physique chaotique, possède la propriété d’« oublier » rapidement ses conditions initiales. Ce sont alors ses « conditions aux limites » qui prennent de l’importance et qui déterminent l’état statistique moyen de l’atmosphère : son climat. On est là dans le domaine de la modélisation climatique et de la climatologie. Il n’y a pas de différence fondamentale entre un modèle de prévision météorologique et un modèle de simulation climatique, même si la mise en œuvre pratique des calculs est très différente. Ce sont les mêmes lois physiques et les mêmes équations qui y pilotent l’évolution de l’atmosphère. Simplement, dans les modèles météorologiques, il y a beaucoup de variables d’état du système qui sont des conditions aux limites fixes et qui deviennent une partie des conditions initiales (donc évoluant dans le temps) dans le même modèle étendu au système climatique.