Le réchauffement actuel est-il dû au rayonnement cosmique ?

L’atmosphère de la Terre est arrosée par un flux de particules de haute énergie, en provenance de l’espace lointain, qu’on appelle rayonnement cosmique galactique. Les vents solaires nous protègent de ce flux, si bien que le rayonnement cosmique galactique, qui traverse l’atmosphère terrestre, diminue lorsque l’activité solaire augmente.

Des chercheurs ont émis l’hypothèse qu’une diminution du flux de particules de haute énergie entraînait une réduction de la couverture nuageuse. En réfléchissant le rayonnement solaire, les nuages contribuent à refroidir le climat : leur diminution pourrait donc induire un réchauffement climatique

Kirkby, J., 2007 : Cosmic rays and climate. Surveys in Geophysics, 28, 333-375.

. D’autres chercheurs vont plus loin et attribuent le réchauffement des cinquante dernières années à une augmentation de l’activité solaire et à la diminution du rayonnement cosmique qui en découle. Alors, qu’en est-il exactement du lien entre rayonnement cosmique et réchauffement climatique ?

La couverture nuageuse est-elle liée au rayonnement cosmique ?

Des études

Svensmark, H. et Friis-Christensen, E., 1997 : Variation of cosmic ray flux and global cloud coverage – A missing link in solar-climate relationships. Journal of Atmospheric and Solar-Terrestrial Physics, 59, 1225-1232.

ont montré des variations simultanées du rayonnement cosmique galactique et de la couverture nuageuse globale sur des périodes de 5 à 10 ans, couvrant ainsi une fraction du cycle solaire de 11 ans. Ces corrélations n’ont pas résisté à des études supplémentaires portant sur des périodes plus longues, sur certains types de nuages ou sur des régions particulières de l’atmosphère.

D’autres études ont porté sur les variations du rayonnement cosmique galactique liées aux diminutions de Forbush

Un événement de Forbush est caractérisé par une diminution du rayonnement cosmique due à une augmentation rapide, mais transitoire, de l’activité solaire.

qui ne durent que quelques jours et sont donc, a priori, plus faciles à observer. Malheureusement, il existe peu d’événements de ce type et encore moins d’événements majeurs susceptibles de générer une réponse de l’atmosphère qui serait assez importante pour être détectée, compte tenu de la très large variabilité de la couverture nuageuse.

Les résultats restent donc contradictoires : certaines études mettent en évidence une légère corrélation entre rayonnement cosmique et couverture nuageuse

Svensmark, H., Bondo, T. et Svensmark, J., 2009 : Cosmic ray decreases affect atmospheric aerosols and clouds. Geophysical Research Letters, 36, L15101, doi: 10.1029/2009GL038429.

alors que d’autres ne montrent aucun lien

Calogovic, J., Albert, C., Arnold, F., Beer, J., Desorgher, L. et Flueckiger, E. O., 2010 : Sudden cosmic ray decreases: No change of global cloud cover. Geophysical Research Letters, 37, L03802.

.

Le rayonnement cosmique contribue-t-il à la formation d’aérosols ?

Les scientifiques ont cherché à comprendre le ou les processus atmosphériques qui pourraient relier le rayonnement cosmique à la formation des nuages. La théorie qui a été la plus étudiée postule l’existence d’une chaîne de processus qui lie, successivement, le rayonnement cosmique, la formation d’ions

Les molécules d’air qui perdent ou gagnent un ou plusieurs électrons deviennent alors chargées électriquement et sont appelées des ions.

dans l’atmosphère, la nucléation

La nucléation est la formation d’un petit noyau, en phase liquide ou solide, à partir de molécules de la phase gazeuse.

d’aérosols

Un aérosol atmosphérique est une particule en suspension dans l’atmosphère.

de taille nanométrique, la croissance de ces derniers jusqu’à des tailles suffisantes (de l’ordre de la centaine de nanomètres) pour servir de noyaux de condensation pour les nuages et, enfin, la formation de nuages.

Formation des noyaux de condensation des nuages

Crédits : © CERN – Fabienne Marcastel / La Recherche (version française)

Les rayons cosmiques induisent la formation d’ions dans l’atmosphère, qui eux-mêmes peuvent favoriser, sous certaines conditions, la nucléation de très petites particules (appelées aérosols). Ces aérosols de taille nanométrique peuvent grossir, par coagulation, pour fournir les noyaux de condensation nécessaires à la formation des nuages. Toute la question est de savoir si cette chaîne de processus influence les nuages de manière significative.

La formation de nouvelles particules à partir de précurseurs gazeux est un phénomène bien connu des chercheurs travaillant sur les aérosols. Il est régulièrement observé dans l’atmosphère naturelle et reproduit dans les chambres de simulation atmosphérique. Le mécanisme par lequel se fait ce processus de nucléation et les variables qui le contrôlent restent néanmoins une question scientifique non résolue.

En 2011, l’expérience CLOUD

Kirkby, J. et al., 2011 : Role of sulphuric acid, ammonia and galactic cosmic rays in atmospheric aerosol nucleation. Nature, 476(7361), 429-433.

(Cosmics Leaving Outdoor Droplets) conduite au CERN (à Genève) a montré que le taux de nucléation est sensible à la présence d’ions

Ces ions sont produits par un faisceau de protons qui simule le rayonnement cosmique.

mais qu’il l’est plus encore à celle d’ammoniac et, sans doute, à celle de composés organiques volatils. Les ions augmentent la nucléation d’un facteur 2 à 10 et l’ammoniac d’un facteur 100 à 1000. Le rayonnement cosmique (à l’origine de l’ionisation) ne peut donc avoir un effet déterminant sur la nucléation de nouvelles particules que là où les concentrations en ammoniac et en composés organiques sont relativement faibles et le rayonnement cosmique fort, comme dans la haute atmosphère ou dans les régions polaires.

Cependant, la nucléation n’est qu’une étape dans le processus de formation des nuages. Les particules nucléées doivent ensuite grossir, en s’agglomérant les unes aux autres, car ce n’est qu’à partir d’une taille de 100 à 200 nanomètres qu’elles deviennent de bons noyaux de condensation et qu’elles peuvent former des gouttelettes de nuage. Ce processus de croissance par coagulation peut durer plusieurs jours dans l’atmosphère. C’est la nature et la quantité de ces noyaux de condensation qui déterminent les propriétés des nuages, et non pas les petites particules issues de la nucléation.

L’expérience CLOUD ne donne aucune indication sur la formation des noyaux de condensation puisqu’elle ne s’intéresse qu’aux premiers instants de la formation des aérosols. Il faut donc s’appuyer sur des modèles numériques représentant le cycle des aérosols atmosphériques pour évaluer l’importance de la nucléation dans le processus de formation des nuages. Ces modèles indiquent que, même si la concentration des plus petites particules fluctue avec le rayonnement cosmique, le nombre de noyaux de condensation et de gouttelettes d’eau nuageuse variera relativement peu.

L’effet du rayonnement cosmique sur le réchauffement peut-il être important ?

Des mesures en laboratoire et des études de modélisation suggèrent que l’ionisation de l’atmosphère terrestre par le rayonnement cosmique peut favoriser la formation de très petits aérosols dans l’atmosphère. Ceci est en accord avec certaines observations du processus de nucléation faites en haute altitude. Toutefois, l’amplitude de ce mécanisme semble trop faible pour influencer les concentrations de noyaux de condensation et pour modifier la quantité et les propriétés des nuages, que ce soit pendant un cycle solaire (11 ans) ou à l’échelle du dernier siècle.

En l’état actuel des connaissances, il est peu probable que le rayonnement cosmique amplifie les variations climatiques dues aux variations de l’activité solaire. De plus, il ne semble pas y avoir eu de diminution du rayonnement cosmique atteignant l’atmosphère lors des cinquante dernières années

McCracken, K.G. et Beer, J., 2007 : Long-term changes in the cosmic ray intensity at Earth, 1428–2005. Journal of Geophysical Research, 112, A10101, doi: 10.1029/2006JA012117.

, ce qui rend peu crédible la théorie du réchauffement climatique par le rayonnement cosmique. Néanmoins, le sujet n’est pas clos et les recherches continuent dans l’expérience CLOUD et sur d’autres pistes telles que les courants électriques situés dans l’atmosphère et les interactions entre les couches les plus hautes de l’atmosphère comme l’ionosphère et la troposphère, lieu de formation des nuages.